MONSEIGNEUR JOSEPH-OCTAVE PLESSIS

Ce tableau, signé au bas à droite « AUDY », est une copie réalisée par l’artiste-peintre sept ans après le décès du sujet.

Nous savons qu’il existe un portrait presque en tous points semblable qui appartient aux collections du Musée des Ursulines de Québec. Par ailleurs, le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) possède une œuvre originale exécutée par l’artiste-peintre d’origine américaine, John James, réalisée en 1824-1825, qui pourrait avoir inspiré les copistes. Sur ce tableau du MNBAQ, on constate que le sujet est capté de plus loin et que la scène représentée offre un champ de vision plus large, ce qui permet de voir quelques éléments du décor dans lequel pose Mgr Joseph Octave Plessis pour James. On y distingue clairement le fauteuil sur lequel il est assis; à sa droite, on voit une table recouverte d’une nappe et Mgr Plessis qui tient un document dans ses mains. Ce tableau porte le numéro d’inventaire 1976.153.

Le MNBAQ possède également trois autres peintures à l’huile, identifiées cette fois-ci comme des copies d’artistes inconnus, avec la mention « d’après John James ». Celles-ci font voir le sujet davantage en gros plan. On mentionne qu’un de ces tableaux est une copie de Joseph Légaré, et qu’un autre a été donné par Bibliothèque et Archives nationales du Québec au MNBAQ. Ceux-ci sont beaucoup plus ressemblants à celui des Ursulines ou à celui que possède le Musée Pierre-Boucher.

Parlons un peu du sujet, Mgr Joseph-Octave Plessis. Avant d’être sacré le 11e évêque, puis le 1er archevêque du diocèse de Québec, il emprunte un parcours bien tracé. Né en 1763, à Montréal, Joseph est fils de forgeron. Sa fratrie compte 17 frères et sœurs. À l’école, déjà, il se démarque. On l’inscrit au Séminaire de Québec en 1778 et il est ordonné prêtre en 1786.

L’abbé Joseph-Octave Plessis prend constamment de l’expérience et sait s’acquitter avec brio des responsabilités qu’on lui confie, entre autres, comme curé de la paroisse Notre-Dame de Québec. Il est aussi appelé à côtoyer les principaux personnages civils ou politiques de Québec. Il est sacré évêque en 1806. Au nombre de ses préoccupations, notons le manque de prêtres dans son diocèse. Il fait donc ouvrir successivement quelques séminaires en région.

Son entourage lui reconnait son influence. Il va même se rendre à Rome pour plaider sa cause.

En 1819, Plessis devient archevêque. Au caractère fonceur mais prudent, autoritaire mais fin stratège, Plessis sait y faire pour négocier avec quiconque, obtenir les appuis et gérer tous les aspects et difficultés qui surviennent dans son archidiocèse.

Sujet à des rhumatismes et à des problèmes de circulation sanguine au niveau des jambes depuis 1816-1817, Plessis voit sa santé décliner peu à peu. Il décède en décembre 1825, mais pas sans avoir tenté de garantir la candidature de l’abbé Pierre-Flavien Turgeon au poste de coadjuteur de Mgr Bernard-Claude Panet, qui va lui succéder et devenir le 2e archevêque de Québec. Turgeon va toutefois refuser et c’est Joseph Signay, curé de Québec, qui sera nommé coadjuteur.

Quant à l’artiste, Jean-Baptiste Roy-Audy, il est né le 15 novembre 1778 à Québec. Sa mère, Marguerite Gauvreau, est décédée en juillet 1779. Son père, Jean-Baptiste (aussi appelé Jean) garde son fils près de lui vu qu’il habite chez son frère Pierre. Jean-Baptiste Ody (Audy), père, est menuisier. Le fils, sera également menuisier, mais peintre aussi. Ce dernier apprend d’ailleurs son premier métier dans l’atelier de son père.

Jean-Baptiste, fils, suit aussi des cours de dessin chez François Baillairgé. Une relation amicale lie ces deux familles.

Il fait aussi des enseignes et du lettrage. À la mort de son père, en 1811, Jean-Baptiste est chargé de régler la succession. Il délaisse progressivement les travaux de menuiserie pour se consacrer pleinement à la peinture. Dans son atelier de Saint-Augustin-de-Desmaures, Roy-Audy parfait sa formation artistique par la copie de tableaux dont certains proviennent de la collection d’œuvres européennes envoyées vers le Bas-Canada par l’abbé Philippe-Jean-Louis Desjardins (1753-1833), prêtre catholique français.

Dans sa biographie sur Desjardins, Claude Galarneau décrit cette collection en ces termes dans le Dictionnaire biographique du Canada :

Il (Philippe-Jean-Louis Desjardins) acquit une collection de tableaux, qui depuis porte son nom, d’un banquier parisien ruiné qui avait lui-même acheté ces œuvres comme biens nationaux. Ces tableaux de maîtres venaient des églises de Paris pillées pendant la révolution. Desjardins voulait fournir des objets d’art qui faisaient tant défaut aux églises canadiennes. Près de 200 tableaux arrivèrent à Québec en 1817.

Toujours dans le Dictionnaire biographique du Canada, Michel Cauchon, qui signe la biographie du menuisier et artiste-peintre, décrit son talent en ces termes :

L’art de Jean-Baptiste Roy-Audy est avant tout naïf, d’où son intérêt. L’artiste ne maîtrise pas toutes les techniques de la peinture telles que la perspective, l’anatomie, le raccourci et la composition. Certains de ces problèmes techniques s’atténuent évidemment lorsqu’il s’adonne à la copie, approche qu’il utilise pour l’essentiel de sa production religieuse. Par contre, pour les portraits, seul son talent intervient. Livré à lui-même, son instinct de peintre naïf le pousse à scruter l’âme de ses sujets et, au-delà de ses moyens techniques limités, à saisir avec beaucoup de succès leur personnalité profonde telle qu’il peut la toiser avec son gros bon sens d’artisan.

Au recensement canadien de 1831, Jean-Baptiste Roy-Audy, artiste marié, vit toujours sur la rue Saint-Georges (aujourd’hui la rue Hébert) à Québec avec sa famille : sa femme, Julie Vézina (1784-1864), épousée le 27 juillet 1802 en la paroisse Notre-Dame de Québec. Le couple a alors deux enfants, un garçon et une fille, Marie Marguerite Alphonsine.

En 1837, La gazette de Québec publié le 9 novembre mentionne la vente prochaine d’un lot de terrains dans la paroisse de Saint-Augustin-de-Desmaures, dont un appartenant à Roy-Audy, artiste, qu’on dit de Montréal.

Après 1838, un mystère entoure la vie, la carrière et même le décès de Roy-Audy. Il n’est pas présent, ni Julie Vézina d’ailleurs, au premier mariage de sa fille avec le menuisier Philippe Édouard Martin à Québec en 1845. Jean-Baptiste Roy Audy n’est pas non plus mentionné au second mariage de Marie Marguerite Alphonsine, à Trois-Rivières, en novembre 1852 quand, devenue veuve, elle épouse Louis Onésime Beaufort dit Brunelle. Quant à Julie Vézina veuve de Roy Audy, elle habite chez sa fille et son gendre à Trois-Rivières quand elle décède en 1864.

Ainsi, tout porte à croire que Jean-Baptiste Roy-Audy est décédé dans les environs de Trois-Rivières entre 1838 et 1852.

Collection Musée Pierre-Boucher
1977 60 P